Vous en avez sûrement entendu parler dans les médias : la crise mondiale du textile devient de plus en plus critique et elle n’épargne pas Emmaüs 43. Origines, conséquences, actions à venir on vous explique tout. Commençons par le commencement : la « Fast Fashion »…
La Fast Fashion, le phénomène qui bouleverse la mode !
Les collections été, les soldes d’hiver, les ventes privées, les offres exceptionnelles pour « bien préparer la rentrée »… les rayons se renouvellent sans cesse, nous incitant à consommer toujours plus. Un renouvellement constant mais aussi des vêtements de qualité médiocre vendus à des prix excessivement bas et des volumes de production massifs : voilà le « combo gagnant » de la Fast Fashion. Ce phénomène, qui s’est intensifié au fil des décennies, impose un rythme effréné, soutenu par des conditions sociales et environnementales souvent déplorables : matières premières bon marché, main-d’œuvre exploitée et impacts écologiques majeurs. Résultat, cette mode jetable entraîne un cycle de vie très court des vêtements, inondant le marché de la seconde main de produits de faible qualité, difficilement recyclables ou réemployables. Et c’est là que la crise textile entre en scène !
Pourquoi le textile mondial est en crise ?
En France, bien que la moitié des textiles collectés soit réutilisable, la demande locale en vêtements de seconde main est insuffisante, avec seulement 5 % de réemploi. Par conséquent, une grande partie de ces textiles est exportée vers d’autres pays, notamment en Afrique, où ces vêtements triés trouvent preneur. En parallèle, la Fast Fashion continue à inonder le marché du textile de mauvaise qualité, de plus en plus difficile à réemployer.
La crise actuelle de la filière textile résulte de tensions internationales avec des impacts directs sur nos débouchés actuels. Plusieurs facteurs ont récemment aggravé la situation :
- La Chine a intensifié ses exportations de vêtements de seconde main à des prix très compétitifs, menaçant les marchés habituels des acteurs européens.
- La guerre en Ukraine a aussi stoppé les exportations de textile vers l’Europe de l’Est, réduisant davantage les débouchés.
- Enfin, l’arrêt des transports via le canal de Suez a complexifié les exportations vers l’Asie en accroissant le coût ainsi que les délais de transport.
Comment le secteur du textile est mis à mal ?
Depuis cet été, la crise a provoqué une série de conséquences en chaîne dans la filière textile. Les premiers effets ont touché les opérateurs de tri (Relais, plateformes textiles…), qui ont vu leurs capacités de stockage saturer rapidement, entraînant un ralentissement des collectes. À la rentrée, ces difficultés se sont propagées jusqu’aux opérateurs de collecte, tels qu’Emmaüs. La pression sur le stockage est devenue telle que certains groupes peinent aujourd’hui à maintenir leurs activités habituelles de collecte et de tri.
Quelles réponses face à cette tempête textile ?
Face à cette crise sans précédent, Emmaüs France a pris plusieurs initiatives pour alerter les acteurs du secteur et les pouvoirs publics.
- Dès la fin de l’été, Emmaüs France a sollicité Refashion, l’éco-organisme responsable de la fin de vie des textiles, pour demander des mesures d’urgence. Les discussions sont en cours pour trouver des solutions.
- Dans le même temps, Emmaüs France a sollicité le soutien du Ministère de la Transition écologique pour expliquer la situation et faire remonter nos demandes.
- Un courrier d’appel à l’aide pour chercher des espaces de stockage temporaires a également été adressé aux réseaux de collectivités locales.
A court terme, pour continuer de faire face aux besoins immédiats, des solutions locales s’organisent : certaines communautés Emmaüs envisagent des braderies et autres ventes exceptionnelles pour écouler les stocks. Emmaüs envisage également une action médiatique d’ampleur pour encourager l’achat de seconde main mais aussi pour inciter les pouvoirs publics à intervenir.
À moyen / long terme, Emmaüs poursuit son plaidoyer pour une industrie textile plus durable, notamment en militant pour que la loi anti-fast fashion aboutisse. Ce serait une première étape vers une meilleure régulation de cette industrie et la réduction des volumes de textile de faible qualité qui saturent le marché du réemploi.
Et chez nous, à Emmaüs 43 ?
La filière textile représente une part essentielle de notre activité chez Emmaüs 43. Chaque année, nous recevons un volume important de dons textiles, dont une part significative est réemployée localement. En tant que structure d’insertion par l’activité économique, notre mission est d’accompagner des personnes en situation précaire vers une transition durable dans le monde du travail. Parmi les trois ateliers et chantiers d’insertion que nous proposons, le chantier Textil’IT est entièrement dédié au textile : nous réceptionnons les dons, trions et étiquetons les vêtements pour les remettre en vente dans notre espace dédié, le Bric Textile à Taulhac. C’est grâce à ces activités autour du textile que nous pouvons proposer des parcours d’accompagnement dans l’emploi complets car pluridisciplinaires.
Les impacts de la crise sur notre activité
Depuis le mois de septembre, les plateformes de collecte telles que le Tri d’Emma, qui d’habitude viennent récupérer les vêtements que nous ne pouvons pas vendre pour les orienter vers le recyclage, ont cessé leurs ramassages. Résultat : nos locaux se sont encombrés de sacs de vêtements pour lesquels nous n’avons aucun débouché. Le stockage est devenu très problématique, et comme nos collecteurs, nous avons rapidement atteint un seuil de saturation.
En ce début d’année 2025, après des mois d’arrêt, un camion du Relais est enfin venu récupérer une partie des textiles accumulés depuis des semaines. Bien que 13 tonnes de textile aient été évacuées ce jour-là, tout n’a malheureusement pas pu être chargé. Ce ramassage, attendu avec impatience, nous offre un soulagement temporaire. Cependant, l’incertitude demeure quant à la date d’un prochain passage.
Cette situation nous touche de plein fouet car l’activité textile est essentielle pour notre fonctionnement et pour nos actions d’insertion. Plutôt que de limiter ou refuser les dons, nous souhaitons sensibiliser le public aux conséquences de la fast fashion. Mais face à cette crise, nous lançons aussi un appel à l’aide pour nous permettre de traverser cette période difficile à commencer par un besoin de plus grands espaces de stockage qui est primordial pour maintenir nos activités.
Face à cette crise mondiale du textile, Emmaüs 43, tout comme les autres acteurs impactés, attend des solutions pérennes, en espérant des retours rapides de la part des instances nationales mais aussi un soutien local. L’avenir reste incertain, et nous comptons sur une mobilisation collective pour surmonter cette situation.